Une augmentation de loyer, couplée, pour certains bénéficiaires d'APL, à une baisse de leurs aides au logement. Tel est le redoutable effet de ciseau qui attend nombre de locataires dans les prochains mois. Calé sur l'inflation, l'indice de révision des baux a en effet rebondi, à + 1,74% fin 2018. Même tendance pour les nouveaux contrats signés : ils sont en hausse dans 9 des 11 plus grandes villes de France, et de façon plus prononcée que l'inflation dans encore 5 d'entre elles. Les APL, elles, n'ont été revalorisées que de 0,3% en début d'année. Pire : le gouvernement a prévu d'appliquer au printemps une réforme consistant à en fixer le montant non plus en fonction des revenus perçus deux ans auparavant, mais de la moyenne de ceux des douze derniers mois, réactualisée tous les trimestres.

Si bien que les allocataires aux ressources en progression pourraient très rapidement perdre ces aides. Tout n'est cependant pas si noir. C'est ainsi que le plafonnement des loyers, retoqué fin 2017 par la justice, pourrait faire son retour dès mars ou avril prochains à Paris et à Lille, et sans doute un peu plus tard à Grenoble. "Certaines communes de la "couronne rouge", comme Bobigny, Le Kremlin-Bicêtre et Montreuil, ont aussi annoncé vouloir l'appliquer ", assure David Rodrigues, juriste au sein de l'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV).

La loi Elan, en vigueur depuis fin novembre, donne en effet aux maires et présidents d'intercommunalité la possibilité d'y recourir, selon des principes identiques à l'ancien système (un plafond 20% supérieur au loyer médian de la zone, possibilité de facturer un complément de loyer pour les biens exceptionnels), mais à titre " expérimental ". De quoi inciter les locataires de ces zones à retarder un projet de déménagement. " Ceux entrés dans les murs durant la période non encadrée, par exemple à partir de fin 2017, pourront attendre le renouvellement du bail pour exiger un ajustement du loyer à la baisse. Ils devront s'y prendre cinq mois avant la date anniversaire ", rappelle Alexandra Pizon-Kloeti, en charge du droit immobilier au cabinet d'avocats Clairance, à Paris. Dans les zones non concernées, pas d'autre choix que de compter sur l'accalmie des loyers, déjà nette à Toulouse ou à Montpellier. Pour négocier, faites valoir auprès de votre bailleur qu'en cas de préavis c'est d'un mois et demi de loyer qu'il devra parfois se priver, vu le délai actuel de relocation, proche de deux mois à Marseille comme à Nice.

Recourir à la garantie Visale

Par ailleurs, les astuces ne manquent pas pour limiter la note à l'entrée dans les murs. Prenez l'état des lieux : en passant par un agent immobilier, le document sera facturé 3 euros par mètre carré, soit 135 euros pour un deux-pièces de 45 mètres carrés. Alors qu'en refusant sa venue l'intervention, devenue obligatoire, d'un huissier ne coûtera que 87 euros. Rappelons aussi que les frais d'agence sont encadrés, de 8 euros par mètre carré hors zones tendues et très tendues, à 12 euros dans les très tendues. Mais gare à la nouvelle entourloupe consistant à faire signer un contrat de résidence secondaire, dispensé de tout encadrement des loyers comme des frais d'agence.

Tentez en complément de convaincre votre bailleur de recourir à la garantie Visale, réservée aux moins de 30 ans et aux salariés en CDD. Elle vous couvrira pour peu que le loyer n'excède pas 50% de vos revenus et un montant plafonné à 1.500 euros par mois, charges comprises, en région parisienne et à 1.300 euros en région. Gratuite, elle permet d'éviter les coûteuses cautions privées apparues sur le marché, comme celles de Cautioneo et Garantme (3,5% du loyer) ou Youse (3,8%).

De son côté, le propriétaire aura la garantie de percevoir son loyer, dans une limite de 36 échéances impayées. Attention, cela ne vous dispensera pas du dépôt de garantie, équivalent à un mois de loyer hors charges, que le bailleur sollicitera d'autant plus que les projets d'extension de Visale aux dégradations locatives n'ont rien de certain. " Cette extension s'applique déjà aux meublés soumis au bail mobilité et devrait rapidement concerner tous les autres baux ", veut croire Jean-Marc Torrollion, le président de la Fnaim. Toutefois, dans le cas des meublés, cette assurance ne vise que les dégradations infligées au bâti. " Rien ne garantit qu'elle s'applique aux dégâts causés aux meubles ou à l'électroménager à disposition ", estime Maud Velter, directrice associée de l'agence spécialisée Lodgis.


Autre solution pour limiter la note, si vous avez moins de 30 ans ou êtes en mobilité professionnelle : opter donc pour ce nouveau bail mobilité, d'une durée d'un à dix mois, renouvelable une fois par avenant pour atteindre ce maximum de dix mois. " Avec cette formule de meublé, le cautionnement Visale est obligatoire et tout dépôt de garantie interdit ", rappelle Maud Velter. De quoi économiser les deux mois de loyer hors charges, le dépôt de garantie maximal pour un meublé classique. Attention, dans le cas d'étudiants n'ayant aucun revenu à déclarer, Visale ne couvre pas les loyers supérieurs à 800 euros par mois charges comprises en Ile-de-France, et à 500 euros ailleurs. En outre, à l'issue de ce bail, pour rester dans les murs, pas d'autre choix que de basculer vers un bail meublé classique.

Restitution du dépôt de garantie, plus encadrée

Vigilance, enfin, à la sortie des murs. "La non-restitution du dépôt de garantie pèse toujours plus de 80% des litiges de notre observatoire des plaintes, lancé voici dix ans", rapporte Michel Fréchet, président de la Confédération générale du logement (CGL). Pour rappel, si le bailleur en attente de la régularisation des charges est en droit de conserver 20% de ce dépôt, la loi prévoit désormais une pénalité de 10% par mois de retard, comptabilisé à partir du premier mois suivant la remise des clés si l'état des lieux de sortie est conforme à celui d'entrée. Le chèque à attendre grossit vite : ce locataire de Saint-Mandé peut ainsi espérer plus de 2.400 euros, pour un dépôt de garantie de 2 000 euros accaparé sans raison depuis février 2018. En cas de blocage, n'hésitez pas à vous saisir la commission départementale de conciliation. " C'est gratuit ", rappelle Silvère Bassa, juriste CGL en région parisienne.